Une altération du sommeil peut-elle prédire le risque de suicide ?

Pierre-Alexis GEOFFROY, MD, PhD

Département de psychiatrie et d’addictologie du Pr Lejoyeux, Hôpitaux Bichat-Beaujon, Paris

Unité Inserm U1141 Neurodiderot, équipe NeoPhen

Université de Paris

Des recherches antérieures suggèrent que les troubles du sommeil sont associés à un risque élevé de suicide. Cependant, ces troubles sont associés à un large éventail de troubles psychiatriques, et on ignore si cette association est indépendante de la psychopathologie.

 

Cette question est cruciale, car si les troubles du sommeil devaient augmenter le risque de tentative de suicide indépendamment des troubles psychiatriques, l’évaluation des symptômes du sommeil pourrait aider à mieux identifier les individus présentant un risque élevé de suicide et pourrait constituer une cible thérapeutique potentielle au-delà des troubles psychiatriques et faire ainsi progresser les stratégies de prévention du suicide.

 

Dans une vaste enquête prospective sur 3 ans, le National Epidemiologic Survey on Alcohol and Related Conditions (NESARC), les chercheurs ont utilisé une modélisation par équations structurelles pour examiner les effets communs et spécifiques de trois plaintes du sommeil différentes sur la fréquence des tentatives de suicide : les difficultés d’endormissement, le réveil matinal précoce et l’hypersomnie.

 

L’équipe a déjà précédemment montré que les troubles psychiatriques augmentent le risque de tentative de suicide, presque exclusivement par un facteur psychopathologique général représentant l’effet partagé des troubles psychiatriques. Les covariables comprenaient ce facteur psychopathologique général, les antécédents de tentative de suicide et un large éventail de caractéristiques sociodémographiques et cliniques.

 

À la suite de ces ajustements, les chercheurs montrent dans cette étude longitudinale pour la première fois que toutes les plaintes liées au sommeil sont associées de manière indépendante à un risque accru de tentative de suicide. Cette association n’est pas spécifique à un type de trouble du sommeil, mais plutôt médiée par un seul facteur latent, représentant des mécanismes communs sous-tendant les différentes plaintes du sommeil.

 

Ces résultats suggèrent l’intérêt d’inclure l’insomnie et l’hypersomnie dans l’évaluation clinique du risque de suicide. De plus, ces symptômes peuvent constituer un biomarqueur potentiel du risque de comportement suicidaire et une cible thérapeutique préventive au-delà des troubles psychiatriques pour faire progresser de manière substantielle la prévention du suicide.

Références

 

 

Contact chercheur : pierrealexis.geoffroy@aphp.fr

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