Le Syndrome d’Apnée Obstructive du Sommeil chez l’adulte :
Le bon traitement pour le bon patient
Défini en 1972 par un médecin français, Christian Guilleminault, le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) est une pathologie dont la connaissance est relativement récente, les moyens d’investigation adéquats ayant longtemps fait défaut. Le syndrome est caractérisé par la répétition au cours du sommeil d’épisodes de fermeture partielle ou complète des voies aériennes supérieures (pharynx et larynx) entraînant une diminution (hypopnée) ou un arrêt complet (apnée) de la respiration pendant au moins 10 secondes. Avec 4 à 10% de la population adulte française atteinte d’apnées du sommeil, le SAOS constitue un enjeu sanitaire majeur en France. D’autant plus qu’il est à ce jour sous-estimé, un grand nombre de patients n’ayant pas encore été diagnostiqués.
En 1981, la ventilation par Pression Positive Continue (PPC), première vraie avancée thérapeutique, est mise au point, et reste à ce jour le traitement de référence. Qualifiée de révolutionnaire, cette technique est aujourd’hui prescrite en traitement de première intention pour environ 80% des patients.
Pourtant, dans un futur proche, on peut légitimement estimer que pourraient être proposées à 50% des patients, en complément ou en traitement principal, d’autres thérapeutiques aujourd’hui uniquement considérées à titre de traitements alternatifs. La SFRMS (Société Française de Recherche et Médecine du Sommeil) souhaite aujourd’hui rappeler que le SAOS nécessite une approche médicale pluridisciplinaire, où différentes spécialités sont impliquées dans son dépistage et sa bonne prise en charge. La SFRMS préconise une approche personnalisée du traitement du syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil chez l’adulte : pour cela, mieux caractériser en amont les phénotypes permettra d’identifier de nouvelles approches thérapeutiques individualisées.
CHIFFRES ET PRÉVALENCE
// LE SAOS EN FRANCE : UN SYNDROME FRÉQUENT ET POURTANT SOUS-DIAGNOSTIQUÉ
En France, entre 4% et 10% de la population, en fonction de l’âge, souffre de syndrome d’apnées du sommeil. Le syndrome touche ainsi environ 2.5 à 6.4 millions de Français. Pourtant, cette pathologie est encore peu connue et il est probable que plus de 50% des apnéiques ne soient pas encore diagnostiqués.
Chaque année, plusieurs dizaines de milliers de nouveaux cas sont dépistés et diagnostiqués, mais on considère que seulement 20% à 30% des malades sont actuellement pris en charge en France.
Le syndrome d’apnées du sommeil peut survenir à tout âge, mais sa fréquence augmente fortement avec l’âge jusqu’à l’âge de 70 ans, ensuite la prévalence se stabilise. Celle-ci est plus élevée dans la population masculine, qui est 2 à 4 fois plus touchée que les femmes avant 60 ans. Au-delà de cet âge, les femmes sont autant concernées que les hommes. On estime aujourd’hui que 6% des femmes et entre 10% et 12% des hommes sont concernés.
La maladie demeure sous-diagnostiquée. Il est difficile de faire une estimation précise du nombre de patients atteints, car ceux-ci n’en ont pas forcément conscience. A cela s’ajoute une maîtrise fragile dans l’identification des signes évocateurs d’apnées. Le nombre de personnes traitées par PPC est en augmentation pour atteindre un chiffre de près de 700 000 patients, mais le nombre d’apnéiques traités reste inférieur au nombre de patients apnéiques attendus.
LES CONSÉQUENCES
// UNE MALADIE ÉVOLUTIVE AUX COMPLICATIONS REDOUTABLES
Bien que la compréhension des conséquences soit rendue difficile par l’intrication de facteurs physiopathologiques (hypoxie intermittente, micro-éveils, efforts respiratoires) et d’états morbides ou de facteurs de risque associés (obésité, diabète, hypertension artérielle), le SAOS est une maladie génératrice de complications, qui interfèrent sévèrement sur la qualité de vie des patients.
Les complications neurologiques et psychologiques
Les arrêts respiratoires répétitifs pendant la nuit provoquent souvent des micro-éveils du cerveau, lesquels perturbent l’architecture du sommeil. Les conséquences cliniques, bien que variables, sont essentiellement la somnolence diurne et la fatigue chronique associés à des troubles cognitifs. La répétition de ces micro-éveils, non perçus par le patient, réduit les possibilités d’apparition du sommeil profond, limitant alors les bienfaits réparateurs de ce stade. On parle alors de fragmentation ou de déstructuration du sommeil.
Elle aboutit à une somnolence excessive au cours de la journée, des troubles de la mémoire et de la concentration, une baisse des performances intellectuelles, physiques et sexuelles, puis des troubles de l’humeur et du comportement, avec possible développement d’un syndrome dépressif ou une agressivité.
Les complications cardiovasculaires par dysfonction endothéliale
Le SAOS est un facteur reconnu de risque de développement de pathologies cardiovasculaires : infarctus, accidents vasculaires cérébraux, hypertension artérielle, troubles du rythme cardiaque…
L’hypoxie intermittente, qui est la principale conséquence du SAOS, entraîne des répercussions organe-spécifiques, avec un impact différent au niveau du foie, du tissu graisseux, des vaisseaux ou encore des muscles et du cerveau. En effet, la privation chronique et intermittente d’oxygène consécutive aux apnées et aux hypopnées conduit à des perturbations métaboliques et cardiovasculaires à moyen et long terme, et notamment l’athérosclérose, c’est-à-dire à l’altération de la paroi des vaisseaux.
Des chiffres alarmants
Les malades avec un indice d’apnées-hypopnées supérieur à 20 ont une surmortalité (13% à 5 ans) par rapport à ceux dont l’indice est inférieur ou égal à 20 (4% à 5 ans).
Les accidents de la circulation sont environ 5 fois plus fréquents chez les sujets avec SAOS que dans la population générale.
Plus de 90% des patients apnéiques ont une hypertension artérielle.
On peut estimer que dans le cadre de l’AVC, entre 60% et 80% des patients ont un SAOS sous-jacent.
60% des consultations spécialisées du sommeil ont pour origine un syndrome d’apnées du sommeil.
Dans 1 cas sur 5, les symptômes de l’apnée du sommeil peuvent aboutir à une dépression.
2 fois plus de risque d’accidents du travail.
VERS UNE APPROCHE PERSONNALISÉE DU TRAITEMENT DU SAOS DE L’ADULTE
// APPROCHE PHÉNOTYPIQUE DU TRAITEMENT
Le traitement des apnées du sommeil dépend de la sévérité des symptômes et de leurs causes. A ce jour, la ventilation par Pression Positive Continue (PPC) constitue le traitement de référence. En France, 700 000 malades sont à ce jour appareillés. Ils pourraient bientôt être un million. Pourtant, dans les cas d’apnées légères à modérées ou en cas d’intolérance à la PPC (20% à 25% des patients présenteraient une intolérance), une orthèse d’avancée mandibulaire (OAM) amovible peut favoriser le passage de l’air, et une chirurgie spécialisée modifier l’anatomie mandibulaire. D’autres pistes sont en cours d’exploration, comme la stimulation électrique nocturne de l’hypoglosse ou l’entraînement des muscles pharyngés.
Les phénotypes anatomiques
Si la cause des apnées est liée à un défaut anatomique, en particulier pour les cas de SAOS peu sévères, une intervention chirurgicale peut être proposée : si l’ablation des amygdales ou de la luette, la modification de l’anatomie du pharynx et la chirurgie nasale ont des effets limités, la chirurgie des maxillaires et de la base de la langue, réalisée par des équipes expérimentées, peut avoir des résultats satisfaisants. Ces traitements chirurgicaux sont moins efficaces que la ventilation en PPC (ils soulageraient 30 à 80 % des cas selon la technique utilisée) et ne sont pas sans risques, comme tout acte chirurgical (risques de complications respiratoires, de saignements ou de douleurs post-opératoires). Ils devraient donc être réservés aux patients les moins sévères, intolérants aux thérapeutiques existantes, ou chez qui les autres traitements ne sont pas parvenus à soigner les apnées du sommeil, après une évaluation méticuleuse du site de l’obstruction des voies aériennes supérieures.
Mais, avant même d’envisager une intervention chirurgicale, d’autres solutions thérapeutiques existent et pourraient être proposées en première intention (et non plus seulement, comme c’est actuellement généralement le cas, en seconde intention, en cas d’échec du traitement ventilatoire) aux patients présentant certains phénotypes spécifiques.
De ce fait, pour les patients présentant les caractéristiques ci-dessous, la prescription d’une orthèse d’avancée mandibulaire (OAM) en première intention serait une bonne solution, car ils y sont plus réceptifs : femme plutôt jeune, sans ou avec peu de surpoids, avec un caractère plutôt positionnel de l’apnée, un SAOS peu sévère.
L’orthèse d’avancée mandibulaire est également à recommander en deuxième intention en cas d’intolérance à la PPC, avec un facteur prédictif d’efficacité plus particulièrement pour les patients dont le niveau de pression efficace qui était utilisé pour la PPC était inférieur à 10,5 cm H2O.
Pour les patients présentant les critères suivants, un traitement en première intention par électrostimulation linguale serait recommandé :
– poids inférieur à 32 kg / m2,
– un indice d’apnées-hypopnées proche ou inférieur à 40 par heure,
– une atteinte qui n’est pas circonférentielle au niveau des voies aériennes supérieures (VAS), et qui touche plutôt la région rétro-basi-linguale.
SAOS et obésité sont fréquemment associés, et cette dernière peut en effet constituer un facteur de sévérité du syndrome. On considère qu’une réduction pondérale peut faire diminuer le nombre d’apnées de 3% à 75%, selon le poids initial et l’importance de la perte de poids du patient. Mais cette seule perte pondérale peut s’avérer insuffisante pour traiter les SAOS sévères, ce qui nécessite la proposition d’autres thérapeutiques en complément. Néanmoins, en cas d’obésité, et quelque soit le traitement proposé, la prescription de mesures hygiéno-diététiques est indispensable dans le cadre d’un traitement combiné.
Les phénotypes non anatomiques
Si l’on évoque souvent pour le SAOS des causes anatomiques, liées à un obstacle au niveau des voies aériennes supérieures (voile du palais, hypertrophie amygdalienne, obstruction nasale, atteinte épiglottique ou de la langue), on estime aujourd’hui que plus de 50% de causes pourraient être non-anatomiques, conduisant à une obstruction secondaire des VAS.
- Cas de figure 1: Une cause du collapsus des voies aériennes supérieures d’origine non anatomique provient d’un mauvais fonctionnement des muscles de la gorge, par fatigue ou asynchronisme. Pour éviter ce collapsus, il pourrait être proposé de traiter en amont en améliorant la performance de ces muscles, notamment par le biais de la rééducation des muscles de la gorge ou de l’électrostimulation de la langue. Des traitements médicamenteux sont en cours d’exploration.
- Cas de figure 2: Certains patients souffrent d’un abaissement de leur seuil d’éveil. La moindre petite obstruction au niveau de la gorge entraîne un micro-éveil, ce qui empêche leur sommeil de s’approfondir. Ces éveils successifs favorisent l’instabilité des voies aériennes supérieures et la survenue des pauses respiratoires. Actuellement, des essais thérapeutiques sont menés afin de caractériser des médicaments capables de relever le seuil d’éveil du patient et sans effet secondaire sur les muscles des voies aériennes supérieures.
- Cas de figure 3: D’autres patients présentent une anomalie de la sensibilité des centres respiratoires. Cette anomalie entraîne une dysrythmie respiratoire, qui peut engendrer des pauses respiratoires. Dans ce cas, certains médicaments tels que l’acétazolamide pourraient constituer une solution thérapeutique efficace.
Le syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil est dû à une fermeture partielle ou complète des voies aériennes supérieures pendant le sommeil, sous forme d’épisodes brefs, répétés et réversibles. La ventilation par PPC reste à cet égard largement bénéfique pour les patients, malgré quelques inconvénients.
Pourtant, il est désormais impensable de définir ce syndrome uniquement par la présence ou non de pauses respiratoires. Le diagnostic du SAOS doit être posé à partir de l’association d’autres signes cliniques et de comorbidités à ces pauses. Un phénotypage précis permettra de mettre en évidence les patients susceptibles d’être traités en première intention par des solutions thérapeutiques alternatives à la ventilation par PPC, notamment l’électrostimulation linguale ou l’orthèse d’avancée mandibulaire. C’est la raison pour laquelle le SAOS doit être considéré comme une maladie chronique, justifiant une prise en charge par des thérapeutiques combinées pour traiter à la carte les phénotypes multiples existant pour cette maladie.
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