Quelles sont les actualités 2018 sur
le Syndrome d’Apnées du Sommeil ?
Le Congrès du Sommeil propose dans son programme une session consacrée aux actualités scientifiques de l’année dans plusieurs disciplines impliquées dans la discipline du Sommeil. Cette année, le Dr Pascaline PRIOU, pneumologue au CHU d’Angers, intervenait dans le cadre des actualités dans les troubles respiratoires au cours du sommeil.
Pour ceux qui n’ont pu assisté à la session, pour ceux qui n’ont pas pu participer au Congrès et pour tous ceux qui s’intéressent à la médecine du sommeil, le Dr PRIOU a accepté de partager sa sélection !
The hypoxic burden of sleep apnoea predicts cardiovascular disease-related mortality: the Osteoporotic Fractures in Men Study and the Sleep Heart Health Study. Azarbarzin A, European Heart J 2018
Contexte : Le syndrome d’apnée hypopnée obstructif du sommeil (SAHOS) est associé à une surmortalité cardiovasculaire mais l’index d’apnée hypopnée (IAH) qui est la mesure définissant la sévérité du SAHOS n’est pas un facteur prédictif de mortalité. Les paramètres d’hypoxémie sont plus pertinents mais aucun ne prend en compte la fréquence et la profondeur des désaturations liées aux évènements respiratoires. Les auteurs ont donc créé une nouvelle mesure : la charge hypoxique liée au évènements respiratoires représentant l’aire sous la courbe de désaturation en référence à la saturation avant l’évènement.
Méthodes : à partir de deux cohortes observationnelles en population générale, the Osteoporotic Fractures in Men Study (MrOS) (n=2743, durée de suivi>10 ans) et la Sleep Heart Health Study (SHHS) (n=5111, durée de suvi<10 ans), les données de polysomnographie ont été réanalysées et la charge hypoxique ainsi obtenue a été divisée en quintiles de sévérité sur les deux popluations. Son impact sur la mortalité cardiovasculaire et toute cause confondue a été étudié en analyse uni puis multivariée.
Résultats : En analyse multivariée après ajustement sur les données démographiques, les antécédents cardiométaboliques ou non, le tabac, l’alcool, l’IAH, le temps passé sous 90% de saturation et la saturation moyenne minimale liée à un évènement respiratoire, les deux quintiles de charge hypoxique les plus sévères sont associés à une surmortalité cardiovasculaire. Le hasard ratio pour la mortalité cardiovasculaire est d’environ 2 pour le dernier quintile (charge hypoxique >71%min/h) dans les deux cohortes. Il n’existe aucune association entre la charge hypoxique et la mortalité toute cause confondue. L’IAH n’est pas associé à la mortalité, le TST90 n’est associé à la mortalité CV que dans la SHHS, l’index de désaturation n’est associé à la mortalité CV seulement dans la MrOS.
Limites de l’étude : Les sujets jeunes ou issus de minorités sont sous-représentés dans les deux cohortes étudiées. La charge hypoxique prend en compte les désaturations uniquement dues aux évènements respiratoires, et non l’hypoxémie secondaire à une pathologie respiratoire. Elle prend en compte leur durée cumulée mais elle ne distingue pas les désaturations courtes et profondes de celles qui sont longues et peu profondes. Néanmoins elle apparaît comme le marqueur d’hypoxémie le plus intensément associé à la mortalité cardiovasculaire.
Apnea-hypopnea event duration predicts mortality in men and women in the Sleep Heart Health Study. Butler M, AJRCCM 2018.
Contexte : Le syndrome d’apnée hypopnée obstructif du sommeil (SAHOS) est associé à une surmortalité cardiovasculaire mais l’index d’apnée du sommeil (IAH) qui en est la mesure définissant la sévérité n’est pas un facteur prédictif de mortalité. Il ne prend pas en compte l’hypoxémie et la fragmentation du sommeil liées au SAHOS. La durée moyenne des évènements respiratoires (DME) pourrait refléter le seuil d’éveil. Les auteurs ont testé l’hypothèse que la DME pouvait être un facteur prédictif de mortalité.
Méthodes : A partir de la Sleep Heart Health Study, une cohorte en population générale de 5712 participants enregistrés par polysomnographie avec un suivi moyen supérieur à10 ans, la mortalité a été analysée en fonction de la DME divisée en quartiles après ajustement sur les données démographiques, l’IAH, le tabac, les antécédents cardio-vasculaires.
Résultats : En analyse univariée, le quartile d’évènements les plus courts était associé un âge plus jeune, une origine africaine plus représentée, un indice de masse corporelle plus élevé, un plus grand nombre de fumeurs actifs, mais une fréquence de maladies cardiovasculaires moins importante. En analyse multivariée, le quartile d’évènements les plus courts était prédictif mortalité toute cause confondue avec un Hasard Ratio de 1.31 (95%CI : 1.11-1.54). Cette association a été retrouvée quelque soit le sexe, mais de façon plus importante dans les SAS modérés. La courte durée des évènements respiratoires est un marqueur de seuil d’éveil bas, ce qui peut prédisposer le sujet à une instabilité ventilatoire et/ou à une hyperréactivité du système nerveux autonome, favorisant ainsi la survenue d’évènements cardio-vasculaires.
Limites de l’étude : L’évaluation seulement sur une seule nuit en conditions inhabituelles pourrait entraîner une moins bonne qualité de sommeil. Les auteurs n’avaient pas d’informations sur l’éventuelle prise de psychotropes ou d’hypnotiques qui auraient pu modifier le seuil d’éveil. Cependant, la courte DME, sur un large effectif, est associée à une surmortalité, chez l’homme comme chez la femme. De tels résultats chez la femme n’ont jamais pu être démontrés avec l’IAH.
The combination of Atomoxetine and Oxybutynin greatly reduces obstructive sleep apnea severity: a randomized, placebo-controlled, double-blind crossover trial. Taranto-Montemurro L, AJRCCM 2018.
Contexte : Le traitement du syndrome d’apnée hypopnée obstructif du sommeil (SAHOS) repose sur la pression positive continue en première intention qui est souvent mal tolérée. Une alternative est l’orthèse d’avancée mandibulaire avec une tolérance également variable dans le temps. Il n’y a pas d’alternative pharmacologique. Cette étude teste l’impact sur une nuit de la combinaison de l’atomoxétine (inhibiteur du récepteur de la norépinéphrine ) et de l’oxybutynine (antimuscarinique) sur la sévérité du SAHOS et la réactivité du génioglosse.
Méthodes : Cette étude randomisée contrôlée en cross over a inclus 20 patients déjà connus pour un SAHOS traité ou non, ayant un indice de masse corporelle moyen de 34,8 kg/m², un IAH moyen de 32,8/heure. Ils ont été enregistrés par polysomnographie (+ mesure de la pression oesophagienne + électromyogramme du génioglosse) une nuit avec la combinaison ato-oxy ou le placebo, puis inversement lors d’une seconde nuit après une semaine de wash-out. 9 patients ont participé ensuite à une étude complémentaire analysant l’effet des deux molécules prises séparément contre placebo selon le même protocole. La variable d’intérêt principale était l’IAH, et la variable secondaire était la réactivité du génioglosse aux changements de pression oesophagienne.
Résultats : L’association ato-oxy diminue de façon très significative la sévérité du SAHOS. Elle diminue l’IAH de 63% [34-86%], de 28.5/h [10.9-51.6] sous placebo à 7.5/h [2.4-18.6] sous ato-oxy (p<0.001). Parmi les 15 patients ayant un SAHOS à la polysomnographie sous placebo (AHI>10 events/hr), l’IAH était diminué de 74% [62-88%] (p<0.001) avec une réduction ≥50% pour tous les patients. L’association ato-oxy améliore aussi les marqueurs d’hypoxémie : le nadir de saturation augmente de 84 à 94% (p<0,001), la charge hypoxique diminue de 28.7 [16.7 to 56.3] (%min)/h à 4.6 [1.4 to 15.2] (%min)/h (p<0,001). Les effets sur la qualité du sommeil sont moins significatifs. La réactivité du genioglossus était multipliée par 3, de 2.2 [1.1-4.7]%/cmH2O sous placebo à 6.3 [3.0-18.3]%/cmH2O sous ato-oxy (p<0.001). Ni l’atomoxetine, ni l’oxybutynine en prise isolée ne diminuait l’IAH.
Limites de l’étude : L’étude sur une seule nuit ne permet pas de mesurer l’effet de l’ato-oxy dans le temps mais l’équipe a fait une étude subsidiaire sur 6 patients sur une durée de 6 nuits, avec les mêmes résultats. Les effets un peu moins francs sur la qualité du sommeil peuvent s’expliquer par les capteurs assez invasifs du protocole (EMG, pression oesophagienne). Une étude sur de plus larges effectifs et plus prolongée dans le temps serait nécessaire pour mesurer la tolérance et l’efficacité de cette association pharmacologique.
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